Danse et Psychanalyse a organisé une rencontre autour de la projection de l’opéra dansé de Pina Bausch « Orphée et Eurydice » le 16 novembre dernier à Espace Analytique.
Silvia Lippi, ancienne danseuse et psychanalyste, analyste praticienne d’Espace Analytique et auteure de « Rythme et Mélancolie » ainsi que Timothée Picard, auteur chez Acte Sud d’un ouvrage sur Cristoph Willibald Gluck, professeur de littérature comparé à l’Université de Rennes, auteur de plusieurs ouvrages sur l’opéra, dramaturge de Christophe Honoré pour sa pièce « Les Idoles », étaient invitées de cette rencontre.
Elle fut animée par Marc Antoine Bourdeu, psychanalyste, analyste praticien d’Espace Analytique, créateur des rencontres « Danse et Psychanalyse ».
Il a été beaucoup question de genres.
C’est Timothée Picard qui a le premier abordé cette question au travers de la description de la distribution opératique des voix dans l’opéra de Gluck dans le temps et dans l’histoire. Orphée a d’abord été chanté par des castrats dans la version italienne de Gluck au XVIIIème siècle. En France la distribution de castrats dans les opéras été mal vue et mal appréciée, aussi, les rôles d’Orphée furent arrangés musicalement pour des voix de sopranos et mezzo sopranos. Plus tard avec la redécouverte de la musique baroque et de ses opéras dans les années 70, avec des chefs comme Magloire ou Christie, les rôles d’Orphée furent repris et chantés par des contre-ténors ou des hautes contres, ainsi Orphée est de tous les sexes et devient un idéal d’androgynie.
Marc Antoine Bourdeu nous dit que quand Jérôme Bel était venu à Danse et Psychanalyse, il faisait remonter la danse (classique) à Louis XIV, passionné de danse. Ce monarque absolu se mettait en scène en soleil, admiré par la Cour spectatrice dont il était le centre. Le mouvement classiste français fut fondé à ce moment-là dans ce système patriarcal et hétérocentré, la féminisation des rôles masculins tenus par des castrats était proscrite. La Révolution Française qui a suivit a renforcé cette pensée, il faut se rappeler les paroles d’Olympe de Gouges « Les femmes ont le droit de monter à l’échafaud mais pas à la tribune »
Silvia Lippi précise que la question de genre se joue au-delà du sexe biologique feminin/masculin et que les psychées d’Orphée et d’Eurydice transcendent cette distribution genrée des rôles. Le rôle d’Eurydice dansé par Marie Agnès Gillot est à la fois féminin et masculin dans sa gestuelle et son physique. Silvia pointe le fait que les deux danseurs sont comme dans un miroir dans des positions symétriques tentant de se rejoindre dans un Tout pour répondre à une demande impossible et peut être interdite. Elle nous rappelle que Pina Bausch à choisit une chanteuse pour être le double du danseur interprétant Orphée.
Pour Marc Antoine Bourdeu, Pina Bausch figure iconique de la danse, dont la création a été traversée par les idées des mouvements féministes a beaucoup travaillé dans ces pièces la question du rapport homme/femme dans le couple et a aussi exprimée des positions alors subversives sur les places sociales et genrées attribuées à chacun.e face au regard du social. Tout son travail en est empreint.
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