« LA MANOUBA » DE SOLANGE MEZAN Aux Editions LEO SCHEER Depuis de nombreuses années Solange Mezan, écrivain et psychanalyste, réfléchit et travaille sur la question de l'amour et du désir. Dans son livre, la Manouba, elle part d'un fait réel arrivé dans sa famille en Tunisie, où s’est déroulée son enfance, pour écrire ce récit romancé. Elle va déployer devant nous l’histoire de la relation particulière de sa grand-mère paternelle à un de ses fils, Joseph, oncle de la narratrice. Elle met en écriture le désir de cette femme pour cet enfant là, les effets ravageant de cette relation mère-fils, le placement de ce dernier en Hôpital Psychiatrique à La Manouba à Tunis, puis son déplacement obligé du fait du contexte politique de l’époque en Tunisie à l'hôpital de Saint Alban sur Limagnole en Lozère, haut lieu de la psychothérapie institutionnelle dans les années 50. A la recherche de cet oncle et de son histoire, dont elle ne sait d’abord pas grand chose, et dont enfant elle perçoit et entend des histoires secrètes, de lourds silences autour de sa grand-mère paternelle et de cet oncle, elle tente dans ce récit romancé d'en reprendre la trace, de suivre les fils d'un discours qu'on lui a racontée à elle, la nièce, d'en comprendre l'histoire qui la fait remonter à l'histoire de la mère de son père, puis à celle de son père. Dans ce travail littéraire, Solange Mezan procède un peu comme parfois en psychanalyse sous la forme d'une enquête, d'un travail sur une énigme, elle tente dans les dits d'entendre les non dits et s’essaye à reprendre le fil des mots, à parler…Et effectivement La Manouba est avant tout une voix. Elle essaye par ce travail d'écriture et de mise en parole de dénouer les fils d'une énigme familiale. Elle va nous faire découvrir ce qu'enfant les adultes ont tenté de lui cacher. C'est un récit qui nous plonge dans les affres les plus profonds de la folie mais aussi dans le réel de la condition humaine, du désir, de l'amour, du manque, de la mort, d’une relation fusionnelle qui excluant la place d'un père dans le désir d'enfant d’une femme peut entrainer parfois, ce que Lacan, appellera la Forclusion du Nom du Père et la folie pour le fils. La Manouba c'est le nom d'un quartier de Tunis, mais aussi celui de l'hôpital psychiatrique de la ville, nom qui provoque l'effroi des habitants comme lorsque souvent la folie est évoquée. C'est l'hôpital où Joseph sera placé et où sa mère viendra le voir toutes les semaines jusqu'à ce que celui ci soit déplacé en France : " Il avait été obligé de lui annoncer et à elle en dernier, avec le prétexte de l'épargner et alors qu'elle croyait que le pire avait déjà eu lieu, qu'en vertu de nouvelles lois son enfant, avec ou sans l'accord de sa famille, serait envoyé tout seul de l'autre côté de la mer, dans un petit village perdu au fin fond de la montagne où il ne connaissait personne, qu'aucun d'entre eux ne connaissait, qui était à des milliers de kilomètres de chez lui et de sa famille, loin de tous ses ancêtres, loin de tous ses morts, où il fallait plusieurs jours et plusieurs nuits de voyage pour espérer se rendre…" (La Manouba, page 63). En filigrane de cette histoire d'amour et de folie, se dessine également une autre histoire de séparation et de déchirure celle de l'exil et du départ de la terre des ancêtres, d’un voyage sans retour d'une rive à l'autre de la Méditerranée. Ce récit fait rejoindre littérature et psychanalyse dans le déploiement d'une histoire toute humaine, d'où une voix émerge pour tenter de donner du sens jusqu'aux bords où parfois dans nos vies le réel nous mène, pour le contourner, pour le cerner, pour essayer de s'appuyer sur du sens, des mots, afin de pouvoir se donner une respiration, pouvoir parler, pouvoir dire, dire l'inénarrable, dire l'indicible, le terrible, Solange Mezan trouve ici une voix… pour vivre en reconnaissant les deuils et les séparations que la vie apporte, aussi, et pour quand même pouvoir vivre après et à la suite… Ce récit, La Manouba, est une histoire de folie mais également une histoire d'amour. La narratrice a d'ailleurs choisi de s'appuyer en préface sur une phrase de Marylin Monroe " Aimer c'est donner à l'autre le pouvoir de vous tuer" et c'est bien d'amour dont il s'agit un amour fou, un amour à mort avec ses effets dévastateurs, elle nous conduit au cœur du plus intime de ce qu'il peut advenir parfois entre une mère et un fils. La narratrice décrit très précisément ce huis clôt psychologique entre les personnages principaux la mère et le fils, une femme emportée par un désir fou d'enfant qui veut à tous prix le faire advenir, comme si pense t-elle, ce serait possible d’avoir un objet qui pourrait pour toujours venir combler le manque dans une vie. Solange Mezan, comme dans son roman précédent, "J'aime", adopte ce style particulier qui caractérise son travail d'auteure, elle écrit son récit d'un seul trait, d'un seul souffle nous emportant, ainsi, jusqu'au bout de son roman. Solange Mezan, écrivain et psychanalyste, signe ce récit "La Manouba" après avoir publiée un premier roman en 2006 "J'aime" chez POL sous le pseudonyme de Nane Beauregard Marc Antoine Bourdeu
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