De l’agressivité et du transfert dit « négatif » dans un travail de psychanalyse et de psychothérapie.
Il s’agit d’un patient qui déploie une très forte agressivité dans le cadre de sa cure analytique. Ce patient est engagé dans sa cure depuis plus de quatre ans, est présent à chaque séance, montre de l’intérêt pour son analyse et pour la psychanalyse, il envisage un jour d’être analyste et a déjà fait une première tranche d’analyse. Ce travail se déroule sur un versant d’agressivité très fort.
Le patient à 45 ans, vit avec une compagne depuis 3 ans et n’a pas d’enfants. Il est séropositif au VIH, ancien toxicomane il a été contaminé par échange de seringue, il est médicalement suivi mais ne prend pas pour l’instant de traitements associé au soin de cette pathologie.
C’était pour comprendre et arrêter son usage de drogues que ce patient avait entamé une première psychanalyse. Ce qui fut réalisé.
Quand j’ai reçu ce patient, sa demande auprès de moi s’est formulée à partir de son désir d’être analyste, il voyait son travail personnel comme une formation pour devenir analyste. Il est cadre dans une banque, actuellement et rêve du métier d’analyste comme une situation professionnelle lui permettant d’être libre, d’échapper aux contraintes du travail, et d’éviter les situations de conflit avec les autres.
Je lui ai exprimé que la formation de l’analyste c’est avant toute l’analyse personnelle. Et que donc c’est son analyse qui était à reprendre.
L’enfance
L’enfance du patient s’est déroulée en grande partie à l’étranger, le père est ingénieur et à travaillé en expatriation pendant longtemps. La famille a suivie, ils sont rentrés en France à l’adolescence de ce patient. La mère ne travaillait pas, les enfants (au nombre de quatre) allaient en classe dans les pays ou la famille résidait.
Il est l’aîné des enfants. Un épisode concernant la naissance de son frère puiné est l’apparition d’une maladie de peau quelques mois après la naissance de celui-ci a retenue mon attention.
A propos de l’enfance du patient : une difficulté apparaît dans le travail analytique qui concerne le manque de souvenirs du patient concernant son enfance. Les souvenirs apparaissent bien après l’âge de l’adolescence.
Des attouchements sexuels ont été évoqués par le patient avec un cousin à l’époque de l’adolescence.
Un événement qui a son importance dans l’histoire de ce patient est la perte quand il avait 5 ans de son lapin dont il était le « maitre » et que son père a oublié dehors à la campagne, le lapin est mort.
Il me dit « Mon père a tué mon lapin ».
L’agressivité dans la thérapie
Ce patient à un discours qui se déploie sur le mode de la plainte, se vit en victime et ait rapidement persécuté par les gens ou les situations.
C’est un patient très ponctuel à ses séances et ne manque pratiquement jamais. Il vient mais la parole est très prise dans l’exposé de son quotidien et surtout de son travail, des relations avec ses supérieurs hiérarchiques.
Le ton est violent, il est menaçant il voudrait bien voir disparaître tout le monde pour rester seul, ce qui est ce qu’il désire par-dessus tout. Les autres sont des incapables, des incompétents. Il doit tout le temps vérifier que leur travail est bien fait et ne peut faire confiance à personne. Dans le métro il ne supporte pas les autres, il exprime alors en séance sa haine de l’autre, le ton est le vocabulaire sont scatologiques, la merde occupe la place première.
Le cadre de l’analyse et l’analyste sont pris à parti : il est toujours ponctuel à ses séances mais décide fréquemment du temps de sa séance et de sa fin « on s’arrête là » finit-il par dire un jour. Il décide également de sa position dans le cadre de la séance, alors qu’il a été allongé pendant longtemps depuis quelques temps cela n’est plus possible, il s’assoit. Il ne supporte plus de venir autant de fois (3 fois par semaine) et décide unilatéralement de ne venir plus que deux fois « c’est comme cela » dit-il. Il dit que les séances sont trop difficiles et que cela le fait souffrir de venir parler.
La règle de l’association libre est un vrai supplice pour lui, il exprime son refus d’associer régulièrement et retourner à son passé et à son enfance est vécu comme une torture.
L’analyste est régulièrement interpellé ou apostrophé comme le faisant souffrir et n’étant pas de confiance. Le rapport à l’analyste est vécu en « miroir », introduire du tiers dans le discours est insupportable.
L’ANALYSE AVANCE MALGRÉ LA SOMME DES RÉSISTANCES ET UN TRANSFERT NÉGATIF
L’acceptation de l’existence de l’inconscient et de la division du sujet se fait progressivement, parallèlement, à un fort désir de vouloir comprendre encore du coté d’un désir de maîtrise et de vouloir savoir.
Du côté de son histoire, le patient prend conscience de la douleur liée aux nombreux déménagements, au repli sur soi de la famille, à la naissance de son frère, et à la perte de son lapin. Également, se travaille dans la cure la question de la singularité de chaque enfant dans la fratrie au regard d’un discours parental mettant en avant l’égalité en tout.
QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LA PLACE DE L’AGRESSIVITÉ
Freud fait immédiatement le lien entre agressivité et sexualité. C’est l’expression des pulsions que la civilisation n’a pu domestiquer « Malaise dans la civilisation ».
Dans le problème économique du masochisme il dit que « une agressivité considérable a du se développer chez l’enfant contre l’autorité qui lui défendait les premières mais aussi les plus importantes satisfactions ».
Dans la cure de ce patient il semble que l’agressivité serve à faire tenir en place un objet dont il craindrait et désirerait qu’il ne tienne pas, de l’importance pour les avancées de la cure que l’analyste puisse supporter les secousses du transfert « négatif ». Pour cela il faudra que l’analyste ait pu avancer dans sa cure suffisamment loin.
Marc Antoine Bourdeu
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