Prendre rendez-vous en ligneDoctolib QUELQUES REFLEXIONS SUR DANSER ET ANALYSER AU TEMPS DU COVID19 - DANSE ET PSYCHANALYSE/MARC ANTOINE BOURDEU
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DANSE ET PSYCHANALYSE/MARC ANTOINE BOURDEU

DANSE ET PSYCHANALYSE/MARC ANTOINE BOURDEU

UN PSYCHANALYSTE ENGAGÉ ENTRE ART ET PSYCHANALYSE. CABINET : MONTPARNASSE PARIS PRENDRE RDV : 06 71 22 47 49


QUELQUES REFLEXIONS SUR DANSER ET ANALYSER AU TEMPS DU COVID19

Publié par MARC ANTOINE BOURDEU sur 6 Avril 2020, 15:35pm

La vie ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre

à danser sous la pluie

SENEQUE

Rosas/Anne Teresa de Keersmaker/Centre Pompidou 2016/work-travail-arbeid

Rosas/Anne Teresa de Keersmaker/Centre Pompidou 2016/work-travail-arbeid

Depuis le 17 mars la France est confinée.

Certains sont dans des appartements en famille, d'autres seuls, d'autres encore en couple.  

Certains dans des maisons avec jardin à la campagne, en ville dans des logements plus ou moins spacieux, mais tous avec interdiction de sortir ou de s'éloigner trop loin de son domicile et toujours avec une autorisation écrite dans la poche ou dans son téléphone.

L'objectif de santé publique est celui-là :

Ne pas être contaminé, ne pas tomber malade pour ne pas envahir les services de réanimation. Car les experts le savent, les politiques libérales des gouvernements depuis les vingt dernières années ont mis le système de santé publique et l'hôpital public à nu. Manque de personnels, de matériels médicaux, de lits de réanimation, de moyens de protection (masques, gel hydro alcoolique, gants).

Nous faisons également le constat que la France a abandonné sa recherche fondamentale depuis longtemps.

Il faut aplatir la courbe de l'épidémie, disent les épidémiologistes, en attendant les masques, les tests, les traitements que la France n’a pas et peut être un jour le vaccin, dans ces circonstances il faut rester chez soi.

Malade avec peu de symptômes, il faut rester chez soi, sans être testé, puisque on n’est pas testé hors hospitalisation, rester en famille ou avec ses proches avec le risque ou la certitude de contaminer toutes les personnes partageant le domicile, puisque le virus est très contagieux. Curieuse solution de confinement.

Cette situation exceptionnelle risque de durer en fonction de l'avancée de la recherche sur les traitements ou les vaccins.

Emmanuel Macron a déclaré la guerre le 17 mars au COVID19.

Sommes-nous en guerre ?

Ce mot évoque un temps de mesures exceptionnelles, de danger, de mobilisation, d'urgence, de mise entre parenthèses de la vie démocratique, civile, sociale. Il évoque également une restriction des libertés de déplacement, de rassemblement, voire de pensées ou d'opinion.

Il appelle le pays a une union nationale rassemblée derrière un gouvernement qui combat. Les désaccords sont remis à plus tard, lorsque la paix sera revenue.

Ainsi les oppositions sont tenues de se taire.

Il déclare que c'est une crise sanitaire majeure de l'histoire du Pays dans les dernières années.

A-t-il oublié la grippe de Hong Kong qui a fait plus de 40 000 morts en France en 1969 ou l'épidémie de Sida qui a causé plus de 40 000 décès en France depuis le début de l’épidémie ?

Cette épidémie de COVID19, n'est pas une guerre, mais une crise sanitaire mondiale, et les références, soit aux victimes soit aux héros sont déplacées. Les infirmièr.e.s ne veulent pas être des héroïnes, elles/ils veulent du matériel et des moyens pour soigner les malades.

L'absence de réflexion et de politique pour une stratégie de santé publique contre cette pandémie est édifiante, alors que depuis des années les épidémiologistes alertent sur des risques de pandémies de grippes virulentes.

Les analogies avec l'épidémie de SIDA

Celles et ceux qui ont traversé l'épidémie du Sida se rappellent les mots de Daniel Defert, fondateur de l'association AIDES : "la guerre, ce sont les malades du SIDA qui l'ont déclarée".

Tous les jours des gens mourraient du VIH. La létalité de ce virus était extrêmement meurtrière, sans traitement, sans tests de dépistage.

Les malades se trouvaient dans des conditions de soin épouvantables, discriminés et rejetés. Il faut dire qu'ils n'intéressaient pas grand monde ces malades homos, toxicos ou blacks.

Et pourtant, dans les signifiants qui circulent, des analogies peuvent être faites avec l'époque première du SIDA : restez chez vous ; sortez couvert (les masques, les caches nez...); protégez-vous...Le virus ne passera pas par moi...

Il faut noter que des scientifiques de premier ordre appartenant à la génération de médecins ayant les premiers luttés contre le Sida font partie du Conseil Scientifique mis en place auprès de l'Élysée et de Matignon : le Professeur Delfraissy et Françoise Barré-Sinoussi.

Dans ce contexte il serait intéressant que le gouvernement se rappelle l'une des stratégies élaborées par les associations de lutte contre le Sida : celle de la réduction des risques dont l'axiome majeur est :

LE RISQUE ZERO N'EXISTE PAS.

Et les psychanalystes, Et la psychanalyse ?

La psychanalyse freudienne et lacanienne affirme que, pour vivre il faut risquer...c'est à dire désirer. 

Le champ de travail de la psychanalyse c'est l'inconscient.

Désirer en temps de confinement reste à inventer.

Théoriquement et cliniquement, les psychanalystes sont à l'écoute des signifiants de leurs patient.e.s., ceux de leurs histoires et ceux du social actuel : Covid 19, Confinement, Maladie, Hospitalisation, Décès... Ils sont là pour entendre et soutenir le désir de leurs patient.e.s et surtout écouter l'inconscient se déployer, voire l'interpréter.

Car de l'inconscient, il y a, même en temps de confinement, on peut compter sur lui pour venir mettre du désordre dans ce nouvel ordre sanitaire.

On sait bien en psychanalyse que l'acte manqué est un acte réussit pour l'inconscient et que plus les gens adopterons des positions d'hyper contrôle ou d'hyper vigilance, plus les actes manqués et les oublis se produiront.

Dans l'appréhension de cette épidémie, il faut se souvenir que le sujet a affaire avec son inconscient, et que celui-ci ne peut être confiné par injonction, forces de police et autre surmoi social pour surveiller et punir.

Par définition, l'inconscient nous échappe par les rêves, les lapsus, les actes manqués nous obligeant à constater que tout n'est pas maitrisable et que beaucoup de choses échappent au discours de la science, de la médecine, du maître comme Lacan l’avait élaboré.

Le sujet va donc avoir à négocier entre, réduction des risques, désir et inconscient, pour pouvoir vivre dans ce nouveau contexte.

Le confinement a délogé les psychanalystes de leurs cabinets et peut être de leurs certitudes, les empêchant de recevoir leurs patient.e.s, ils se sont mis à l'écoute analytique par téléphone, skype ou whatsapp pour ne pas interrompre ou suspendre les cures en cours. 

Le COVID19 les a fait entrer dans le XXI ème siècle, quittant le cadre freudien feutré de la Vienne du XIXème siècle pour en inventer un autre.

Beaucoup de patient.e.s ont accepté cette proposition de poursuite du travail analytique à distance, d'autres préfèrent attendre la fin du confinement et une possibilité de retour au cabinet, c'est chacun.e en fonction de ses possibilités et de son histoire.

Autre nouveauté, le travail en groupe d'inter-contrôle entre analystes peut continuer par visio conférence, et a permis par exemple à mon propre groupe, de constater chez nos patient.e.s les premiers effets du confinement:

Sidération des premiers jours, repli chez soi et sur soi, perte de désir, absence de contacts humains hors virtuels (apéro zoom ou autre diner skype), mise à distance de la sexualité pour les célibataires, les amants et les couples confinés séparément, peur de la contamination, crainte pour les parents âgés, angoisses financières et crainte du chômage, solitude et isolement.

Pour en rajouter du côté du surmoi, les signifiants de la distanciation sociale édictés par l'État mettent en scène un autre menaçant : gestes barrières, masques sur le visage, gants pour sortir, distance de 1,5 m entre soi et l'autre. Les injonctions sociales sont : se protéger soi et protéger l'autre. Parler avec un autre, s'en rapprocher, peut se révéler dangereux.

Il est facile d'imaginer les fantasmes que cela peut réactiver chez les un.e.s et les autres: voeux de mort, culpabilité, angoisses et chez certain.e.s des flambées sur les versants de la paranoïa ou de l'hypocondrie. Le confinement voire le déconfinement peuvent provoquer des décompensations chez d'autres sujets fragiles.

Enfin, la question du travail de deuil au temps du COVID19 devra être travaillée avec les impossibilités pour les proches de dire "au revoir" aux mourants et d'enterrer les morts. Il y aura aussi à travailler la question de la séropositivité au COVD19.

La mort, la vulnérabilité, la finitude et l'incertitude sont revenues au premier plan dans notre société, posant la question de qui avait oublié cela ? 

De quelle amnésie infantile avons-nous donc été frappé ?

André Gide disait : "Une pas assez constante pensée de la mort n’a pas donné assez de prix au plus petit instant de ta vie." 

Les analystes ont du travail, théoriquement et cliniquement pour élaborer ces nouvelles questions dans un dispositif analytique bousculé.

Et Danse et Psychanalyse à Espace Analytique ?

Pour nous aider, misons sur la culture et les artistes, impactée au premier plan par le confinement. Elle et les artistes doivent être soutenus.

La culture est un pilier sur lequel les sujets doivent pouvoir s'appuyer dans ce moment difficile, car elle donne du sens, c'est pourquoi la psychanalyse doit continuer d’affirmer qu’elle est du côté de la culture.

Danse et Psychanalyse va continuer dans cette période de confinement.

Car nous sommes dans un temps social où il y a interdiction de danser avec d'autres, interdiction d'aller assister à des spectacles de danse, interdiction de se rendre aux prochains festivals de danse ou d'assister aux représentations du ballet de l'Opéra de Paris.

Animateur du cycle de Rencontre Danse et Psychanalyse à Espace Analytique, je mettrais chaque fois que possible en accord avec les compagnies de danse et leurs chorégraphes, les liens vers les spectacles discutés lors des rencontres passées de Danse et Psychanalyse, qui pourront être vus dans leur intégralité, en streaming gratuitement. 

Par ailleurs des commentaires de ces Rencontres sont déjà accessibles sur mon site marcantoinebourdeu.com.

Je ferai une information via les canaux de communication d'Espace Analytique pour donner les liens d'accès.

Je réfléchis aussi à la possibilité d'une Rencontre de Danse et Psychanalyse organisée en Visio Conférence dans les mois prochains.

A très bientôt, n'oubliez pas de danser, de désirer et d’analyser.

Marc Antoine Bourdeu

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